(détails)
Le carrefour
(détails)
Le carrefour avant guerre, à droite la poste et
l'école, au fond les hôtels Pignolet et de
la Plage.
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le maire de Vierville, Mr. Leterrier, en discussion animée
avec un G.I. qui essaye de le comprendre. Derrière
lui, 2 soldats armés d'une Thomson Gun (mitraillettes
US de 11,43mm) et d'une carabine M1
(détails)
Une autre photo du Maire avec un GI et une dame non identifiée
(détails)
La gare routière (à l'époque où
c'était encore une gare de train)
(détails)L'hotel
Pignolet ("La Pie qui Tette") et la gare
(détails)
Au Ruquet, certains habitants furent emmenés le
7 juin pour être éventuellement
évacués vers l'Angleterre
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(le
7 juin après-midi)
Nous déjeunâmes assez
rapidement car les tirs semblaient redoubler dans les environs
et regagnâmes notre abri.
Vers 14 heures et demie un officier vint nous prévenir
de nous tenir prêts à évacuer le village
et nous donna ordre de nous rendre à un premier regroupement,
à 15 heures dans la cour de notre voisin le maçon.
Nous remplîmes deux mallettes de nos biens les plus
précieux, les placèrent dans une brouette
à laquelle étaient attachés nos deux
épagneuls - nous abandonnâmes la plus vieille,
aveugle et sourde, légèrement blessée
par un éclat - et nous rendîmes dans la cour
du maçon.
Il y avait, sur un pilier de l'entrée,
un drapeau avec croix rouge, signalant cet endroit aux médecins
et infirmiers de passage. Un tombereau était posé
sur ses brancards sous un auvent; il avait été
garni de paille sur laquelle était couché
un soldat grièvement blessé et sous perfusion.
Une voisine, légèrement blessée au
bras, vêtue d'une blouse blanche, le surveillait et
le signalait aux infirmiers de passage qui changeaient l'ampoule
ou lui faisaient une piqûre. Un Allemand, Autrichien
d'origine, était assis dans un coin et avait l'air
très content de son sort, alors que deux G.I. s'escrimaient
à briser la crosse d'un Mauser.
Nous étions une quinzaine d'habitants
de l'extrémité Est de la commune à
être rassemblés dans cette cour et les bruits
les plus divers couraient certains prétendaient que
les Américains avaient commencé à rembarquer
et qu'ils nous emmenaient, d'autres qu'on allait nous emmener
vers Saint-Laurent, commune mieux tenue par les alliés,
d'autres enfin qu'on allait nous abandonner à notre
sort.
Un officier vint nous prévenir
que tous les habitants devaient se trouver à 5 heures
dans la cour de l'école pour une vérification
générale d'identité et que là
nous saurions le sort qui nous était réservé.
Nous arrivâmes dans la cour
de l'école à l'heure prescrite et au moment
où une vive fusillade commençait : quelques
G.I. étaient aux prises avec un détachement
de cinq ou six Allemands qui, profitant des murs de clôture,
étaient parvenus à une vingtaine de mètres
de l'école. Un tout jeune Allemand leva les bras
, sauta le muret et se rendit ; il fut aussitôt pris
en charge par un soldat Américain qui le fouilla
et lui ordonna de s'asseoir dans un coin. Les autres Allemands
s'esquivèrent en profitant de la confusion provoquée
et des jardins des maisons voisines.
Cette contre-attaque Allemande, menée certes avec
des moyens très réduits en hommes, était
une preuve de la fragilité de l'implantation américaine
dans le secteur de Vierville et des soucis des Américains,
d'une part à cause de la perméabilité
de leurs lignes de défense, d'autre part du fait
qu'ils venaient de se rendre compte que les Allemands avaient
préparé le terrain loin derrière la
côte en aménageant des cheminements dans les
fossés, sous les ronciers, et des positions leur
permettant de passer d'un pré dans un autre par de
petits tunnels dans les talus séparant deux champs
importants et d'être ainsi à l'abri des observations
aériennes.
C'était le commencement de "la guerre des haies".
Cette chaude alerte passée
le capitaine Gardiner (?) du C.I.C. (le contre-espionnage)
présent se tourna vers le maire et lui demanda
s'il connaissait chacun des civils, une quarantaine se trouvaient
alors dans la cour de l'école, comme habitant de
sa commune. Le maire répondit affirmativement après
avoir fait un rapide examen.
Le capitaine annonça alors qu'une évacuation
du village avait été décidée
par le haut commandement.
Deux faits modifièrent heureusement
cette décision: La postière ayant demandé
l'autorisation d'aller dans son bureau pour emporter la
caisse dont elle était responsable et cette autorisation
lui ayant été accordée, elle pénétra
dans ses locaux par une porte donnant sur la cour, accompagnée
par son mari et un soldat délégué par
le capitaine pour la surveiller. Ce léger retard
fut lourd de conséquences.
D'abord on entendit arriver un important
convoi tant attendu : jeeps, blindés, half-tracks,
et hommes, (notamment une batterie de 105mm du 110ème
Bataillon d'artillerie de campagne) convoi qui provoqua
une réaction allemande par guetteur interposé
(probablement un guetteur allemand caché dans le
clocher): un barrage d'obus incendiaires de 88mm s'abattit
sur le carrefour, la poste et l'école.
Un obus tomba dans une salle de classe et explosa
avec un bruit sourd; je me mis à l'abri derrière
mes deux valises tandis que ma mère qui s'était
assise dans un W.C. en compagnie de sa vieille amie madame
G. (Mme Guignard ?), étendait au dessus
d'elles deux une couverture qui avait le mérite,
non de la protéger des éclats, mais des morceaux
d'ardoises qui se détachaient de l'auvent.
A cet instant le couple de postiers
arriva dans la cour sans le soldat qui les avait suivi;
celui-ci avait été tué dans le bureau.
Le couple vint se placer devant moi, paraissant indifférent
aux événements, l'homme donnait le bras à
sa femme et je voyais qu'à chaque battement de son
coeur un jet de sang s'échappait de sa carotide et
l'inondait, sans qu'il semblât s'en apercevoir. (il
s'agit du 3ème civil de Vierville mort à la
suite des combats du débarquement, François
ALIX, décédé de ses blessures à
Saint-Laurent le 9 juin, probablement dans l'hôpital
américain de Saint-Laurent)
La première personne qui sortit
de cette cour-piège fut le prisonnier Allemand, suivi
comme son ombre par le soldat qui en avait la garde; puis
ce fut un ménage avec ses trois jeunes enfants, enfin
ce fut la débandade générale tandis
que j'entendais le capitaine se répéter à
lui-même, en français," Ne jamais stationner
à un carrefour".
En sortant nous vîmes en partie
les effets du tir sur le convoi: les véhicules, bourrés
de munitions, explosaient en mettant le feu autour d'eux
et ajoutaient au massacre.
{ Lors du bombardement du carrefour
un half-track en feu, en tentant de s'enfuir par la route
de Grandcamp, mit le feu à la gare. Les occupants
de la cave (la famille Coliboeuf) eurent tout
juste le temps de sortir et de sauter en bas du mur de soutènement
qui bordait le terrain, abandonnant le cochon et le chien.
Curieusement lorsque l'on put accéder de nouveau
à la cave ce dernier vivait encore et but un plein
seau d'eau pour renaître à la vie. Mais le
cochon était mort." }
Nous regagnâmes en longeant
les murs notre abri et, plus tard un Américain vint
nous dire que nous pouvions y rester pour la nuit."
Suzanne Hardelay, née Coliboeuf, 12 ans,
était dans la cave de la gare:
"Ma mère est sortie chercher de l'eau. En
revenant, elle nous a dit : "Il y a un camion de munitions
arrêté devant la maison et les Américains
le tirent pour le mettre sur le coté". Là,
cela s'est mis à canonner. Nous sommes redescendus
dans la cave. Cela a duré un bon moment et le camion
a explosé. La maison a bougé. Mon père
s'est mis dans les marches de l'escalier et nous a dit que
nous sortirions que lorsqu'il nous le dirait. Au bout d'un
moment, il nous a dit que nous pouvions sortir."
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