(détails)
la maison où habitait Michel Hardelay le 6 juin, au
fond d'une impasse orientée vers le Nord
croquis établi sur la base des
indications de Michel Hardelay
(détails)
Les GI sont entrés dans Vierville par le Hamel au
Prêtre, immédiatement à gauche, l'épicerie
Dumont et devant, l'entrée de l'impasse où
se trouvait le logement de Michel Hardelay
(détails)
L'épicerie Dumont au début de la rue du Hamel-au-Prêtre
(détails)
La rue Pavée, la boulangerie est au milieu à
gauche. Au fond le carrefour principal de la poste et de
l'école, avec le restaurant "A La Pie qui Tette"

(détails)
Les pénétrations dans Vierville
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(extraits)
(6 juin, de 6h00 à 10h00)
"Il était huit heures moins dix (8h50, heure
GMT+2 utilisée par les Américains le 6 juin)
et il y avait deux heures et demie déjà que,
sous la voûte formée au-dessus de nos têtes
par les projectiles de la flotte alliée et de l'artillerie
allemande, nous attendions que le tir des canons et des mortiers
cessât.
Soudain
une déflagration formidable nous assourdit ma mère
et moi. Elle fut suivie d'un souffle puissant mêlé
de poussières et d'une forte odeur de poudre.
L'explosion
avait eu lieu derrière le mur de clôture du jardin
qui se trouvait à trois mètres de notre tranchée-abri
et auquel était adossé quelques niches à
lapin.
Je pouvais
voir certains de ceux-ci, affolés, qui couraient en
tous sens, alors que d'autres s'étaient presque enterrés
dans leur litière à un coin de leur niche.
J'avançais
un peu hors de notre abri et constatais avec grand soulagement
que notre maison était toujours debout; en même
temps je ressentis une brûlure, à l'auriculaire
de la main droite qui s'appuyait sur la paroi de la tranchée.
Examinant la terre fraîchement taillée je pus
en extraire un petit morceau d'acier, brûlant et tranchant,
de la taille d'un noyau de cerise.
Le vacarme
avait brusquement cessé comme si cette dernière
explosion était un point d'orgue dans le concert de
l'artillerie.
Nos tympans,
mis à dure épreuve, ne se remirent à
fonctionner qu'au bout de deux minutes pour entendre quelques
balles siffler avant de se perdre dans la nature ou de s'écraser
contre un mur.
Oh! combien ce
jour-là j'ai béni la présence de ces
nombreux murs qui servaient aussi à se protéger
contre le vent de nord-est d'hiver, glacé et salé,
si néfaste aux plantations. Ils m'ont permis de me
déplacer avec une relative sécurité autour
de notre abri, en baissant la tête parce que la plupart
ne dépassaient pas 1,50 mètre.
Par l'ouverture
laissée libre au bout de l'ébauche de tranchée
je vis bientôt passer deux soldats Allemands, courbant
la tête, tenant d'une main leur Mauser, de l'autre une
caissette de balles.
Ils traversèrent
notre petit jardin et s'engagèrent dans le passage,
entre la maison et le haut mur de notre voisin comme s'ils
connaissaient bien ce chemin menant à la campagne et
aux falaises, en passant à travers le poulailler.
Je pris la décision
de sortir de l'abri pour vérifier qu'ils avaient bien
refermé les portes, entrai dans la maison par la porte
de la cuisine à cinq mètres de notre refuge,
constatai qu'il n'y avait pas de dégâts importants
et visibles si ce n'est, étant monté au premier
étage, plus de flèche au clocher de l'église,
(la mémoire de MH le trompe, car le clocher
n'a été abattu que vers 14h15) et par
la baie donnant sur les falaises je vis mes deux Allemands
cheminer vers le poste de la 352ème D.I., nouvellement
installé en crête de falaise. Ils marchaient
presque à quatre pattes dans le champ de blé,
déjà très mûr, et étaient
presque invisibles.
Pour
nos volailles, rien à craindre, car apeurées
comme les lapins, elles s'étaient cachées au
fond de leur cabanon.
M'étant penché
je vis que le mur de derrière de la maison du voisin
(la maison du maire, Monsieur Leterrier) s'était
effondré dans sa cour.
Devant moi
la mer était couverte de bateaux de toutes dimensions
mais la crête de la falaise me cachait la plage et je
ne pouvais observer qu'au-delà de trois kilomètres
devant Vierville, alors que je distinguais les jetées
de Port-en-Bessin devant lesquelles aucune activité
notable ne semblait se manifester.
Par
contre il me sembla percevoir une ligne de navires de guerre
devant la pointe de Ver à ma droite et également
à ma gauche dans la baie des Veys.
Mais
quelles étaient les troupes qui nous libéreraient,
Anglais, Américains, Canadiens ou Français ?
Pour
l'instant c'était un mystère.
Par
contre, les Allemands qui tiraient encore en crête de
falaise devaient savoir à qui ils avaient à
faire.
A cet
instant je ne prévoyais pas que dans cinq minutes je
serais renseigné.
Les
tirs paraissant terminés je m'enhardis et décidai
d'aller à trente mètres examiner la rue principale
du village; je sortis de notre jardin et empruntais la ruelle
en longeant les façades des deux maisons voisines à
gauche, vides de leurs occupants, puis la façade latérale
de l'épicerie (à sa gauche, l'épicerie-café
Dumont, au carrefour de la rue du Hamel-au-Prêtre)
et m'arrêtais à un mètre de la rue.
De
là je pouvais observer à ma droite la rue sur
deux cents mètres: devant la maison du cordonnier deux
chevaux morts, les pattes emmêlées dans leur
harnais et le timon d'une fourragère de l'armée,
[d'après certains témoignages, il s'agissait
de celle de la compagniede travailleurs Todt logés
au château depuis début mars 44, ce témoignage
dit qu'elle était devant l'"infirmerie",
peut-être une infirmerie allemande dans le village??]
remplie de cantines, de caisses et de ballots.
Ils
barraient une partie de la route, l'autre moitié étant
obstruée par le pignon effondré de la maison
Jean.
Aucun
soldat n'était en vue jusqu'au carrefour de la poste.
J'avançais
alors pour observer sur ma gauche les deux routes qui venaient
se rejoindre devant l'épicerie.
Un
grand type se tenait devant moi. Il essayait d'extirper d'une
des nombreuses et vastes poches de son battle-dress un paquet
de "Chesterfield" assez froissé.
"Voulez-vous
une cigarette?", me demanda-t-il en français.
Il
avait son casque un peu incliné sur la gauche, les
deux sangles de la jugulaire, non attachées, pendaient
le long de ses joues, sa carabine était à la
bretelle sur son épaule gauche.
Il
ne paraissait pas surpris de mon apparition, observait les
deux chevaux morts avec plutôt l'air d'un touriste que
d'un combattant aux aguets.
Je lui répondis
: "Avec plaisir", avant d'ajouter : "Tiens! vous
parlez français?"
"Je
suis un "ranger" d'origine canadienne, mais mes parents habitent
en France, dans l'Eure, à Nonancourt. Excusez-moi,
je dois continuer ma route." Et il repartit d'un
pas décidé vers la Pointe du Hoc, qui était
le but de sa mission, comme je l'appris plus tard. Je revins
dans notre abri et dis, en montrant ma cigarette,:
"Ce
sont les Américains qui nous libèrent"
Je
regardais ma montre, mais elle ne marchait plus et s'était
arrêtée à huit heures moins dix (8h50
GMT+2), probablement à la suite du coup de poussière.
Il
devait être maintenant huit heures vingt" (
c'est-à-dire 9h20 GMT+2, à l'heure utilisée
par les Américains)
Ensuite, Michel Hardelay s'assure que ses voisins
sont sains et saufs,
"Je les quittai un peu rassurés et repris le
chemin en sens contraire...
En arrivant
dans notre jardin j'entendis des cris dans la rue. Ayant gagné
mon poste d'observation au coin de l'épicerie je vis
deux G.I. qui obligeaient, sous la menace de leurs armes,
deux Allemands à riper hors de la chaussée les
deux chevaux morts et à les placer dans une entrée
de cour. Ils avaient beaucoup de mal à exécuter
cette besogne et étaient peu rassurés sur leur
sort tant l'excitation des G.I. était grande.
Un peu plus tard deux autres soldats Américains se
présentèrent à la porte du jardin et
me firent comprendre qu'ils avaient soif. J'allai chercher
deux verres et leur dis, en montrant le tonneau, que je n'avais
que du "cidre" ou "apple juice" à leur offrir. Cela
leur parut égal; je remplis les deux verres en tournant
la chantepleure et leur tendis. Mais ils exigèrent
que je boive une gorgée avant eux et je m'exécutai.
Ils devaient devenir beaucoup moins méfiants par la
suite.
Peu après
j'eus la surprise de voir surgir par dessus le mur le visage
de Fernand D. Il nous arrivait de l'appeler plus familièrement
entre nous "la roupie" car il avait constamment une goutte
au nez et l'essuyait du revers de sa manche gauche. Il se
préoccupait de notre sort, était passé
chez le maire et avait emprunté la voie que j'avais
suivie.
Il habitait la
maison devant laquelle avaient été tués
les deux chevaux et me renseigna sur le sort des siens et
de ses voisins: sa femme et sa fille allaient bien, sa mère
qui habitait la maison en face de la sienne, aussi, mais la
bonne du boulanger avait été tuée ainsi
que le bébé du boulanger qu'elle tenait dans
ses bras.
La vieille amie
de ma mère, dans la maison voisine, s'était
réfugiée avec sa fidèle bonne, et comme
Anne-Marie, dans leur wc, bien heureusement car un obus de
88 mm avait traversé leur maison sans exploser.
Madame Marie qui
logeait avec son mari et son fils dans la propriété
Jean avait été blessée au bras.
Ensuite, mais je ne me
souviens pas vers quelle heure de la journée, un officier
vint avec deux soldats, sans armes et sans équipement,
et me dit qu'ils avaient été "shocked". Il me
demanda s'il pouvait me les confier une heure, j'acceptai
tout en lui montrant qu'il y avait peu de place dans l'abri.
Ils s'assirent sur les marches d'accès ; ils étaient
peu loquaces et je pus tout juste savoir qu'ils étaient
originaires du Texas.
L'officier fut
exact, au bout d'une heure il vint les reprendre, mais comment
avait-il su que la maison était encore occupée
et qu'il y avait un abri? Mystère.
A l'heure de l'émission des informations en français
de la BBC, je n'avais pas manqué de monter écouter
mon poste à galène. Il me fut confirmé
que c'était bien le débarquement attendu, du
Cotentin à l'embouchure de l'Orne, et non une opération
de commando, comme à Dieppe (en 1942).
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