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Un
officier Allemand à Formigny le jour J
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Un Officier Allemand à Omaha Beach
(Extraits et adaptation d'interview donnée à
John Marks et de correspondance avec Stewart Bryant)
Le
6 Juin 1944, Hans Heinze était lieutenant à l'Etat-major
du 2ème Bataillon du 916ème Régiment d'Infanterie
de la 352ème Division d'Infanterie Allemande. Ce jour-là,
âgé de 21 ans, le Lt. Heinze a vécu le Débarquement.
Seulement quelques semaines avant le débarquement, son
régiment a été déplacé derrière
Omaha Beach pour y renforcer les troupes de garnison du 726ème
Régiment qui occupaient les points fortifiés. Voici son
récit:
Affecté à la défense côtière
"A
la mi-février 44, nous avons déménagé de
la région de St-Lô pour la côte. Notre unité
n'avait aucun transport motorisé. Ni même assez de chariots
à chevaux pour nous déplacer seulement de quelques kilomètres.
Quelques jeunes Français de la région nous ont aidé
à déménager nos affaires. (la réquisition
de moyens de transports et de main d'uvre était quotidienne
en Normandie occupée)
Pour
ce qui est de garder des secrets, personne n'était vraiment prudent
chez nous. Au contraire, nos rapports avec les Français dans
la région étaient si étroits qu'il n'y avait pas
de secret possible. Notre mouvement était tout à fait
apparent et tout le monde savait exactement où nous et la division
entière étions déplacés.
Beaucoup
de nos soldats était des agriculteurs, et ils ont aidé
dans les fermes locales chaque fois qu'ils pouvaient en obtenir un petit
supplément de nourriture. La femme d'un fermier m'a dit que quelques
jours avant le débarquement un soldat de notre QG de bataillon
à Formigny qui avait fait des corvées pour eux, est allé
à bicyclette visiter leur ferme. Sur son chemin il annonçait
à ses amis Français, "Bonjour, je suis à Formigny,
et nous sommes installés là et là". C'est
pourquoi je ne peux pas croire que les renseignements Alliés,
via la Résistance Française ne savaient pas ce qui se
passait vraiment. Officiellement, les Alliés savaient seulement
que la 716ème DI étaient installée sur la côte
et ils auraient été totalement surpris que la 352ème
DI y avait aussi été déployée. Si c'est
vrai, alors quelqu'un dans le Renseignements Alliés dormait sur
son travail. (en fait le mouvement de la 352ème avait été
signalé par la Résistance, mais l'information était
trop récente et surtout trop isolée pour être acceptée
comme crédible début juin. Au surplus, les plans Alliés
étaient trop avancés pour être modifié à
cause de ce renforcement récent)
Maintenant
nous nous trouvions dans une petite maison dans Formigny à environ
trois ou quatre kilomètres en arrière de la côte.
J' étais l'officier du bataillon chargé des services généraux,
ce qui n'était guère plus que l'ordonnance d'un officier.
Il y avait aussi l'adjoint et le commandant du Bataillon qui était
un jeune capitaine (à 3 galons, alors que normalement un bataillon
est commandé par un Major à 4 galons).
Au
début, nous étions surtout installés dans des granges.
Pour les communications nous n'avions ni radios ni téléphones.
A la place nous avions des messagers à bicyclette. C'était
primitif et simple et pas très différent du Moyen-Age.
Finalement j'ai emménagé dans une maison de Formigny,
face à l'église et à côté de notre
quartier général du bataillon.
La vie à Formigny
A
la fin d'avril notre approvisionnement en nourriture ne s'était
pas amélioré. Les hommes s'effondraient quelquefois pendant
des manuvres fatigantes. Le Capitaine Grimme, mon chef de bataillon,
m'a ordonné d'améliorer la nourriture. D'abord, nous nous
sommes réunis, avons rassemblé nos disponibilités,
acheté une vache sur un marché au bétail local.
C'était une vache maigre, nous l'avons appelé "le
casier à vêtement" (les Normands n'avaient pas
dû leur vendre la meilleure du marché
). C'est
tout ce que notre argent pouvait acheter. Nous avons conduit la vache
au pâturage derrière notre petit manoir. Notre cuisinier
qui avait été formé comme boucher, a dit que nous
aurions pu trouver de meilleures vaches dans un champ à côté.
Quelqu'un a suggéré alors que peut-être nous devrions
changer un de ces vaches en saucisson. (c'était l'usage dans
les cuisines militaires allemandes de tout transformer en saucisson,
plus facile à conserver et préparer)
Notre
faim a vaincu notre moralité et le projet mis sur les rails.
Une nuit suivante, on s'est habillé et avons suivi un des vaches.
Cela est s'avéré plus difficile que prévu parce
que toutes les vaches se sont réveillées, et chaque fois
nous approchions, le troupeau entier filait. Après beaucoup de
tentatives manquées, j'ai réussi attraper la queue d'un
des vaches, et je ne l'ai plus lâchée jusqu'à l'épuisement
de la vache. J'étais content, mais couvert de boue. Rapidement
la vache a été adroitement tuée et préparée.
Tôt
le matin suivant, un de mes hommes m'a réveillé pour me
dire que "le maire du village voulait me parler". Je savais
bien de quoi il s'agissait. On sait que les Français sont bons
diplomates et ce maire de village était en était un. Il
a commencé en me disant comment leur meilleure vache a été
volée hier soir et ses pistes ont conduit ici. Il ne disait pas
nous l'avions volée, non! Mais plutôt c'était le
fait de voleurs Français qui avaient dû nous vendre la
vache volée, évidemment. Je lui ai dit "nous avons
déjà tué la vache", et il a voulu voir sa
peau. Quand j'ai refusé, il a laissé entrevoir que notre
police militaire serait informée. Le même jour, nous avons
reçu un ordre du QG de la division qui, "suite à
des plaintes de la population civile au sujet d'un nombre croissant
de vols de bétail, des amendes sévères seraient
appliquées aux coupables." Ce fut la seule fois où
nous avons pris quelque chose aux Français, mais qu'est-ce que
nous pouvions faire. De plus grands événements ont bientôt
fait oublier cette affaire. (il est vrai que les Allemands volaient
rarement et étaient sévèrement punis pour cela,
mais il disposaient de moyens financiers quasi illimités pour
acheter au marché noir, la convention d'Armistice obligeait la
France à verser des indemnités d'occupation tellement
colossales qu'elles n'étaient pas entièrement utilisée.
L'inflation des prix au marché noir en a résulté).
Quelques
jours plus tard, début mai 44, 4 semaines avant le Débarquement
la plupart des hommes ont été déplacés autour
de Colleville, plus proche à la plage (les 4 compagnies du
bataillon ont été placée à Colleville, St-Laurent,
Formigny et Surrain, mais 3 compagnies de la 716ème DI ont continué
à occuper les WN de la côte, passant sous les ordres du
916ème régiment). Une particulièrement bonne
division (la 716ème DI???, ce n'est guère sa réputation
aujourd'hui) nous avait précédé là.
Aussi avant notre mouvement vers ces positions avancées, je suis
allé avec mon chef de bataillon pour inspecter le célèbre
"Mur de l'Atlantique", au sujet duquel nous avions tant entendu.
Je n'oublierai jamais ce jour où nous sommes allés avec
un Volkswagen, d'abord aux Moulins (la plage de St-Laurent). De là
nous sommes allés direction Vierville et nous avons été
arrêté juste avant de la route côtière à
notre gauche et nous avons aperçut un soldat à côté
d'un tas de débris. Nous avons demandé ce qu'il faisait
là. Il a dit qu'il était "de garde". Nous lui
avons demandé ce qu'il gardait alors. Il a dit que nous avons
un "PAK "(canon antichar) ici sous le tas de débris.
"Alors?" nous avons répondu. Il a continué à
nous expliquer que "si les Tommy viennent, les servants tireraient
le canon, sur la route de la plage, l'installerer sur une plate-forme
de béton et tireraient sur eux". Nous nous sommes regardé
avec étonnement en disant "est-il bien sérieux."
Il
y avait pire. Nous avons avancé sur la route côtière,
bordée à gauche par un fossé à ordures en
zigzag. (le fossé antichar qui entourait le hameau des Moulins).
Devant le fossé il y avait une barricade de fil de fer barbelé.
Je me souvient encore comment mon commandant, dans ses beaux pantalons
d'officier, a soulevé sa jambe un peu et simplement est passé
par-dessus la barrière sans y faire attention. Plus loin un autre
tas de débris cachait une mitrailleuse Tchèque. Je n'ai
même pas vérifié si elle avait des munitions. Dans
le tas suivant, il y avait une mitrailleuse Polonaise. A la fin de la
tournée, nous étions si stupéfiés que nous
ne pouvions pas croire que c'était vrai. Je pense que nous nous
attendions aux mêmes efforts que pour la ligne Siegfried ou quelque
chose d'analogue. Il n'y avait rien de significatif sur toute cette
plage.
Une
unité antérieure à notre transfert avait commencé
à construire un blockhaus. Ici la seule chose que nos gens avaient
fait était de démolir quelques maisons, et d'utiliser
les planches de parquet pour couvrir leurs tranchées. Il aurait
été bon pour nous si quelqu'un avait simplement fait bien
ce qui était prévu. Nous étions supposé
construire des retranchements d'infanterie conformes à des règles.
On
a toujours lu dans les livres d'histoire comment les soldats Américains
ont dû lutter à travers des champs de mines. Dans notre
secteur (Omaha Beach) nous n'avions pas un seul champ de mines à
l'intérieur. Nous n'avions même pas de plan de champs de
mines. Ainsi quand nous avons dus sortir rapidement de nos défenses
sur les falaises, nous ne nous sommes pas inquiété des
mines, parce qu'il n'y avait pas.
Nous
n'avions pas reçu de mine parce que les bombardements Alliés
avaient bouleversé la région: routes, voies ferrées
et entrepôts. Il y avait quelques mines sur les "asperges
de Rommel" (les pieux en bois installés sur la grève),
mais il n'y avait rien dans l'intérieur. (il y en avait un
bon nombre autour des points fortifiés et sur la falaise, même
si des champs de mines étaient souvent factices). Nous avions
placé des panneaux "Mines" partout. Mais il n'y avait
pas de mines dans ces régions. Au début, les panneaux
n'étaient pas prévus pour rester factices, parce que nous
avions prévu que chaque point fort serait protégé
par un champ de mines. Il sont devenus factices du fait que les mines
n'ont jamais été livrées.
Nous
n'étions pas concernés par ce qui se passait sur les autres
fronts. Je suppose c'était par égoïsme parce que
nous étions assez heureux d'être en France. Nous avions
établi de bonnes relations avec les gens locaux parce que nous
pensions "bien sûr maintenant nous sommes les occupants mais
nous pourrions devenir les occupés" aussi nous nous sommes
bien comportés. En fait dans quelques villages, quand nous nous
sommes retirés, les Français se sont trouvés le
long de la route et ont pleuré de voir nos soldats partir. Nos
soldats les avaient aidés sur leurs fermes ou si un bébé
était venu prématurément, alors nous avions mis
la mère dans une voiture et avons couru à la clinique
la plus proche. (tout ceci est parfaitement invraisemblable, les
Allemands, généralement tout à fait "corrects"
comme on disait alors, n'en étaient pas moins considérés
comme des occupants indésirables et dont le départ a été
apprécié par la quasi totalité de la population)
Fin
mai, malgré nos efforts, je n'était pas satisfait du niveau
d'entraînement de notre troupe. Ces types étaient sans
comparaison possible avec les hommes qui sont entrés avec moi
en Russie pour la première fois. On pourrait penser que l'on
avait tiré des leçons des débarquements Américaines
en Afrique du Nord et Sicile mais on ne nous ont a pas dit comment les
soldats devraient réagir en cas de débarquement.
Quelques
jours avant le Débarquement, nous avons sortis un pilote Allemand
d'un avion écrasé. Il avait été touché
lors d'une mission de reconnaissance sur l'Angleterre du Sud mais avait
réussi à revenir dans notre secteur. Nous pensions qu'il
était sous le choc ou quelque chose, parce qu'il ne cessait pas
de bégayer, "Mon Dieu, l'Angleterre est complètement
pleine des bateaux." Nous pensions, "ce ne doit pas être
vrai, parce que sinon il se passerait quelque chose. S'il y avait vraiment
beaucoup de bateaux, alors certainement notre aviation les bombarderait."
Et j'ai dit, "je n'y crois pas"
Nous
savions tous que les Alliés entreprendraient un débarquement,
mais "où" était la grande question. Nous ne
croyions pas l'histoire du pilote de reconnaissance au sujet des bateaux
et d'une invasion imminente. Fondamentalement, nous ne pouvions croire
que nos avions de reconnaissance les avaient vu sans qu'une tentative
soit faite de notre côté pour par notre côté
pour intervenir. De plus, nous pensions toujours que nos avions et nos
armes V étaient déjà utilisés là-bas
contre eux. C'est ce que l'on nous avait toujours dits, et à
cette époque, nous croyions dans la valeur des armes V. En fait,
les armes V n'entreront en action que trois ou quatre semaines plus
tard (en réalité 3 ou 4 jours après le Débarquement).
Je devine nous nous accrochions à cet espoir comme un marin s'accroche
à une bouée de sauvetage. Mais personne ne croyait que
nous pourrions contenir les Alliés s'ils débarquaient
dans notre secteur. Certainement nous ne le croyions pas au matin du
6 juin.
Deux
jours avant le Débarquement, un officier d'Etat-major, responsable
des munitions pour toute la division, voulut voir l'avancement des travaux
de la défense de plage. Il a inspecté une partie de la
côte près de Colleville. Arriver au dernier point fort
(WN) où un blockhaus avait été achevé, il
a dit que notre travail était satisfaisant. Immédiatement,
le sergent chargé du WN lui dit "Monsieur le Major, est-ce
que je peux dire quelque chose au sujet de notre situation ici?"
L'officier a répondu "oui, naturellement, qu'est-ce qu'il
y a?" Le sergent a dit "il y a quatre ou cinq jours, la moitié
de nos munitions ont été emportées, et se trouvent
maintenant dans un entrepôt quelque part. Laissez-moi vous dire
ce qui se passera demain si l'attaque vient. Nous serons capables de
nettoyer la première, la deuxième, peut-être la
troisième vague, mais après cela, les Américains
seront sur nous et nous n'aurons plus de munitions. Et alors nous devrons
filer d'ici en supposant que nous en ayons encore le temps. "Hé"
a répondu le commandant, "ne vous en inquiétez pas
maintenant. S'il cela arrivait, vous aurez rapidement bien assez de
munitions". Ainsi trois jours plus tard, cela s'est passé
exactement comme le sergent l'avait dit. (l'artillerie de campagne
Allemande derrière Omaha Beach avait vu effectivement ses réserves
de munitions réduites de moitié par crainte des bombardements)
Le
jour précédent le Débarquement était programmé
un spectacle donné par une troupe du "Théâtre
aux Armées". Mais étrangement, elle a été
annulée. Cela ne nous a pas étonné parce cela arrivait
souvent. Autrement, rien de remarquable ne s'est passé. Le commandant
du bataillon était un joueur de carte fanatique, et tous les
soirs, quatre d'entre nous devions l'accompagner pour une parte de Doppelkarte,
un jeu de carte Allemand très populaire (je ne sais jouer à
aucun jeu de carte).
Je
me souviens aussi du jour où je suis arrivé au QG du bataillon.
Le commandant a dit, "est-ce que vous savez jouer au Doppelkarte,
Heinze?" "Nein, mon Capitaine" j'ai répondu. "Demain
vous jouerez au Doppelkarte!" il a dit. Avec un "Jawohl, Herr
Hauptman!" (Oui, mon capitaine) de ma part. Il était comme
ça avec nous. Le médecin du bataillon et l'Adjoint jouaient
aussi. Ainsi jusque vers les minuit ou 1 heure, nous jouions au Doppelkarte,
et si à 3 h c'était basse mer, nous devions sortir du
lit et aller jusqu'à la plage pour placer des "asperges
de Rommel" avec du barbelé et des mines terrestres.
L'Adjoint
et moi n'aimions pas cette routine de jeux de cartes de nuit avec réveil
deux heures plus tard. Alors, nous avons décidé que ça
ne pouvait plus durer et nous avons joué si mal que le commandant
du bataillon a jeté les cartes en travers de la table et a dit,
"Bon Dieu, je ne veux plus jouer avec vous, bande d'idiots! Nous
pensions, "Chic, peut-être que maintenant nous allons pouvoir
dormir" C'était un de ces drôles de moments que nous
vivions avant le Débarquement et même après.
Nous
ne savions jamais si l'alarme était vraie ou d'exercice. Nous
la recevions tout simplement. Je devine que nos chefs voulaient tester
notre empressement et notre rapidité pour arriver aux postes
de combat que nous avions construit. Bien sûr avec toutes les
alarmes fausses que nous avons dû subir avant l'invasion, toute
anticipation d'une vraie invasion sont devenues de l'indifférence.
Franchement, je ne pensais pas que cela allait arriver.
Chaque
régiment avait huit compagnies, numérotées 1 à
8, réunies dans deux bataillons de quatre compagnies. La quatrième
compagnie du deuxième Bataillon (II/GR916, mon bataillon) était
la 8ème Compagnie (8/916), commandée par le Lt. Bery (Backhaus?),
était en place au Wn.69 (à St-Laurent-gare, rte de
Vierville), armée de mitrailleuses lourdes et mortiers. Une
autre compagnie (la 7ème) placée autour de Colleville
(WN63) était prête pour appuyer les WN. La 5ème
Compagnie du Lt. Hahn, était placée à Surrain comme
réserve. La 6ème compagnie du Lt. Heller, était
à Trévières (et Surrain) à environ
8 kilomètres de la plage.
Je
vivais dans Formigny au-dessus d'une épicerie en face d'une église.
Le quartier général du bataillon était dans le
presbytère à côté de l'église. Il
a été détruit pendant les combats. Maintenant il
y a une nouvelle maison à cet endroit. J'avais emménagé
huit ou neuf jours plus tôt. Ma chambre était meublée
comme celle de tout homme d'affaires Français. J'ai dormi dans
le lit et j'ai mis mes vêtements dans l'armoire, mais je n'ai
rien changé d'autre.
A
cette époque, nous ne faisions pas attention aux débarquements
alliés en Italie. Avant le débarquement, nous étions
simplement heureux d'apprécier presque six mois de tranquillité
sans combat. Puisque que nous étions assez isolé de la
guerre cela ne comptait pas et nous n'étions pas pressé
de nous informer sur les autres fronts.
L'Alerte
J'ai
été réveillé à minuit le 5 juin 1944
quand un messager a monté les escaliers, a frappé sur
ma porte et a dit "Alerte! Des parachutistes ont été
signalés." J'ai pensé "Allons-y pour une autre
alerte". Comme j'étais déjà à moitié
habillé (nous ne nous déshabillions jamais complètement,
parce que on ne savait jamais ce qui pouvait arriver) j'ai vite remis
mes derniers vêtements, nous avons traversé la rue jusqu'au
QG où on nous a dit, "on a vu des parachutistes sauter."
Quand
le messager m'a réveillé, j'étais de mauvaise humeur,
pensant, "merde, ils nous tirent encore du lit au milieu de la
nuit". Vous devez comprendre, que les semaines d'avant, j'étais
avec des fermiers Français locaux réquisitionnés
pour aider à construire des obstacles de la plage à marée
basse qui était toujours pendant les heures sombres du matin
(en fait l'heure de la marée retarde tous les jours de 3/4
heures environ, mais il y a toujours 2 marées basses chaque jour
dont au moins une de nuit). Ainsi, quand j'ai été
à nouveau réveillé à minuit, j'ai pensé,
"Mon Dieu, les ordres sont des ordres, il faut y aller".
Au
bout d'un moment, un autre message est arrivé, nous disant que
c'était une fausse alerte, ces parachutistes étaient des
mannequins ressemblant à des parachutistes. Quand ils ont touché
la terre, ils ont fait exploser des petites charges qui ressemblaient
au tir de mitrailleuses. Bien sûr ils avaient eu l'intention que
ce soit une fausse alerte, et cette idée a accru la confusion
chez nous. Quelques-uns disaient, un débarquement est en route,
ou les parachutistes ont déjà débarqué,
pendant qu'autres ont dit, "non, c'est seulement des mannequins
qui tirent des charges explosives" . Alors je suis parti vers mon
poste d'observation, le messager avec moi. En arrière de la côte,
je m'étais installé une sorte de poste de guet pour chasseur,
à 1 km de la côte. Il y avait une petite échelle
accédant à une solide plate-forme d'où je pouvais
voir la plage entière, de gauche à droite. (ce poste
dans un arbre pourrait être celui du manoir de Than, mais plus
probablement un autre qui était placé dans le bois de
Saffray, un point culminant sur la route Formigny-Vierville)
Quand
nous avons quitté le QG, nous sommes partis à pied pour
le poste d'observation. Cela a pris environ trente minutes (aller
au manoir de Than aurait pris 50 minutes). Pour ce que j'en savais
c'était juste une autre fausse alarme, je n'y croyais pas. C'est
pourquoi j'y suis allé avec une telle mauvaise humeur. Nous étions
déjà fatigués et nous disions, "Non, pas encore
une de ces stupides alertes". J'avais pris seulement mon calot
et mon pistolet avec moi. Comme je n'avais pas vu de parachutiste moi-même,
je ne croyais pas aux rapports, tout simplement.
A
l'exception du messager, j'étais seul sur cette plate-forme dans
l'arbre. L'alarme datait des environs de minuit, et nous sommes arrivés
au poste d'observation un peu après. La nuit était sombre
et rien ne se passait, à l'exception de bruits d'avion que nous
avons entendu toute la nuit. Mais ce n'était pas anormal parce
que nous en entendions chaque nuit volant vers l'intérieur. Nous
n'avons pas entendu de tirs ni quoique ce soit de ce genre.
Nous
sommes restés dans ce poste d'observation de minuit jusqu'à
environ 5h00 le matin. Vers 2 ou 3h le messager et moi nous nous étions
relayé pour dormir. Quand il a commencé à faire
jour, vers 5h00, nous pouvions voir une couche de brouillard qui s'allongeait
sur l'eau. Nous étions dans le poste d'observation depuis quatre
heures. Au moins un de nous est resté éveillé en
tout cas.
Jusqu'à
l'aube la plage était tranquille. A l'aube nous avons vu le brouillard
augmenter. J'ai jeté une autre coup d'il 1/2 heure plus
tard et j'ai pu distinguer quelque chose qui sortait du brouillard.
J'ai pris mes jumelles, j'ai nettoyé les lentilles et l'ai donnée
à mon messager pour jeter un coup d'il. Il n'a pu distinguer
quoi que ce soit.
Puis
un vent lourd a soufflé et alors nous avons vu la scène
s'ouvrir devant nous. Nous avons vu les péniches de débarquement
se déployer en approchant du rivage. Mais la plupart des bateaux
vraiment grands sont restés en arrière. Vous pouviez voir
comment les petits Landing Craft arrivaient tous en masse. Et tout était
encore tranquille. Devant nous le panorama immense de la flotte de l'invasion.
Devant les plus petits Landings Craft, puis les navires plus grands,
suivis par les destroyers, et ensuite les énormes masses. Tout
était tranquille, complètement tranquille.
Immédiatement
j'ai dit au messager, "allez au QG du bataillon et courez pour
de bon!" . Il y avait 1 1/2 à 2 km de course. J'ai dit le
message "il y a des milliers et des milliers des bateaux au large"
ou quelque chose comme cela; je ne peux pas me rappeler ce que j'ai
dit alors exactement. "Mon vieux, ils ne te croiront pas, insiste
et dit que c'est vrai. Ensuite prenez mon paquetage d'urgence, c'est
ainsi que nous appelions nos casques, et mon MP-40 (pistolet-mitrailleur)".
A ce moment je n'avais qu'une petite arme de poing sur moi pour me sentir
un peu en sécurité.
Vers
6h00 il faisait parfaitement clair et la scène devant nous était
comme au cinéma. Je ne me rappelle pas l'heure exacte mais les
bombardiers sont venus d'abord. Heureusement la plupart des bombes sont
tombées derrière nous mais quelques cibles dans notre
coin ont été touchées. Le Lt Willi Heller était
un ami et collègue à moi et commandant de la 6ème
Compagnie. Il avait bien enterré sa compagnie, une leçon
apprise sur le front de l'Est. Une bombe a atterri sur eux sans faire
beaucoup de dégâts excepté un des tympans de Willi
cassé.
J'ai
lu dans un rapport plus tard, que trois semaines avant l'invasion, Rommel
est venu pour une inspection. Il a dit à notre colonel "Les
Américains arriveront ici-même. Soyez prêt".
Mais à cette époque, nous n'en avons jamais entendu parler.
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