Récit
du Sergent Vic Miller, 5th Ranger Bon
Jour J 1944. - Je ne me
souviens pas très bien être monté sur
les navires de transport. Nous étions sur 2 bateaux
Britanniques qui nous ont fait traverser la Manche. Je ne
me souviens même pas du nom du mien parmi les 2 cités
dans mes notes. En tous cas, nous étions à bord.
Les péniches d'assaut, les LCA, étaient suspendues
aux bossoirs autour du transport. Dans mes souvenirs on nous
avait dit qu'ils seraient descendus bien au delà de
la position qui nous aurait permis de monter dedans directement,
de peur qu'on ne puisse plus ensuite les descendre, et donc
nous devrions descendre par les filets le long de la coque.
En fait nous sommes montés dans les LCA en position
haute, et ils ont été ensuite descendus avec
nous à bord, pour être mis à l'eau.
Mais avant tout, je me
souviens bien qu'ils nous ont donné un bon petit déjeuner
avec des œufs au plat et c'est tout ce dont je me souviens.
Je ne me souviens pas de ce que je portais comme vêtements.
Je suppose qu'il s'agissait de nos treillis, mais je ne peux
en jurer. Quoi qu'il en soit, je suis sûr que j'avais
une veste de combat légère, probablement de
treillis, nous avions tous aux Rangers des bottes de parachutistes.
Mon équipement personnel comme sergent de Section comportait
un fusil M1, donc j'avais une ceinture avec toutes les munitions
pour M1. J'avais des jumelles, un coupe-barbelés à
la ceinture. J'ajoute que je portais les jumelles dans le
dos entre les poches de munitions M1, plutôt que en
bandoulière. Le coupe-barbelés était
accroché à une poche. J'avais un lance-grenade
dans une poche suspendue à la ceinture. J'avais ma
gourde à la ceinture. J'avais une boussole à
la ceinture. J'avais une trousse de secours à la ceinture.
Nous avions des couteaux de combat. Je le portais à
ma ceinture de pantalon plutôt qu'à la ceinture
de munitions. Et j'avais une baïonnette, sûr, mais
elle était sur le sac à dos. Nous portions des
sacs légers, je me souviens, sans nos couvertures.
C'était l'équipement standard de toutes façons.
J'ai oublié de mentionner un outil très important,
une pelle de tranchée. Nous devions bien sûr
prendre des masques à gaz, nous les avions. J'avais
aussi une montre Hamilton 17 rubis, fournie à chacun,
et nous avions un couteau automatique de para, dont la lame
sortait en appuyant sur un bouton. C'est tout ce dont je me
souviens de l'équipement personnel que je portais.
Naturellement dans le sac, il y avait une toile imperméable,
des gamelles et des couverts, les choses essentielles. Et
ensuite on a mis des brassières de sauvetage, et finalement
on est monté dans nos LCA qui ont été
descendus et on fait route vers la côte. On nous avait
donné 2 sacs pour vomir, et dans mes souvenirs, sur
30 et quelques hommes, seulement 2 ne s'en sont pas servi.
Probablement tout le monde s'est servi des 2. Mais certainement
ils ont été largement utilisés, et je
peux dire que, serrés comme nous étions, il
n'y avais pas de place pour s'appuyer solidement, alors si
quelqu'un était malade, s'il n'avait pas de sac, il
n'avait plus qu'à vomir dans le cou de celui qui était
devant, et ce n'était pas agréable.
Alors on est parti, et
ça remuait. Les péniches roulaient et tanguaient
beaucoup, cela contribuait au mal de mer qui assaillait la
plupart d'entre nous. Alors on a avancé vers la côte,
et en approchant, elle ne ressemblait pas à ce que
nous attendions. Il y avait de la fumée. Apparemment
l'herbe brûlait, après tous les obus envoyés,
et comme nous arrivions plus près, ce n'était
pas très engageant, on voyait des traçantes
descendant sur la plage, cela voulait dire que des gens tiraient
sur la plage, que s'ils tiraient, d'autres allaient être
touchés et c'était nous qui y allions.
En tous cas, comme nous
arrivions de plus en plus près, on voyait de plus en
plus de détails. Il y avait les obstacles, ces triangles
d'acier pointant avec leurs mines accrochées, cela
apparaissait terrifiant. Et, naturellement, comme j'ai déjà
dit, les balles volant toujours sur la plage. On pouvait voir
les balles traçantes, les arrivées d'obus, et
comme avancions vers le rivage, nous sommes finalement arrivés
au point où le patron Britannique de notre péniche
a dit: "On a touché, on a touché" . Il a fait
tomber la rampe, et notre Lieutenant, le Lieutenant D. Anderson,
je crois, a dit "Tous dehors" et a disparu sous les vagues.
Quelqu'un devant l'a rattrapé et ramené à
bord. Je crois que c'est le Sergent Charles Vandervoort qui
a simplement mis son Thomson Gun sur le ventre du patron et
lui a dit: "Je crois qu'il vaut mieux nous amener à
terre!" Je peux dire que notre bateau, dans ces conditions
a été celui qui s'est approché le plus
près du sable parmi tous les autres, parce que nous
sommes sortis avec de l'eau pas plus haute que les genoux!
Je ne blâme pas cet équipage; dès que
nous sommes sortis, ils ont pu faire marche arrière
et se tirer de cet assez mauvais coin.
En même temps, en
commençant à débarquer, j'ai remarqué
que le 2ème bateau de notre Compagnie n'était
pas aussi chanceux que nous. Ils n'ont pu débarquer
avec de l'eau aux genoux, mais à la taille, et comme
j'attendais mon tour de sortir, j'ai remarqué un des
hommes de la section de cet autre bateau, mon copain avec
des problèmes de filles Georges, qui n'était
pas très grand, qui était chargé de munitions
de mortier, a sauté avec de l'eau jusqu'aux épaules
et ne pouvait plus bouger. Alors le Sergent Beccue, qui a
assez mauvais caractère, s'est précipité,
l'a attrapé et traîné jusqu'à la
plage.
Pendant ce temps, nous
sortions de notre LCA, et sans plus d'ennui, nous avons avancé
rapidement et nous nous sommes allongés sur des galets
au dessus du sable. On nous a dit d'attendre que les officiers
se réunissent et décident de la suite. Pour
décrire la scène, on pourrait remarquer que
la marée montait vite. Il y avait quelques blessés,
dispersés là où ils étaient tombés,
certains assez loin, le sable se transformant en bancs de
plus en plus petits avec la marée montante ils criaient
en demandant de l'aide. Il n'y avait pas grand chose de possible
de notre point de vue.
Les chars avaient été
gréés avec des systèmes de flottaison
- on en avait vus avant - avec des jupes de toile relevable,
et des hélices. Ils devaient sortir en mer de leur
LCT et se diriger avec leurs hélices vers la plage,
prêts à combattre. Le problème, d'après
ce que j'ai compris, c'est qu'ils ont coulé dans la
mauvaise mer, alors il n'y avait que peu de chars sur la côte.
L'un d'eux roulait d'un côté ou de l'autre, mais
semblait ne rien faire, sinon risquer d'écraser des
blessés ne pouvant s'écarter.
Bref, nous avions envie de partir, mais j'étais là
allongé près du secrétaire de Compagnie
, John Spurlock, et je me souviens, alors que nous étions
à côté l'un de l'autre, que John prenait
soigneusement les galets un par un sous lui pour les placer
à côté, enfonçant ainsi son corps
de plus en plus. Ce n'était pas une mauvaise idée.
Finalement ils ont décidé
ce qu'il fallait faire, que le secteur n'avait pas été
occupé par l'infanterie arrivés une heure avant.
Ils étaient toujours là sur la plage au lieu
d'avoir établi une tête de pont, y compris la
route au dessus que nous aurions dû traverser et que
notre mission serait de prendre cette tête de pont.
Alors quelqu'un a mis un Bangalore sous les barbelés
qui s'étendaient là - il y avait une sorte de
parapet et une barrière avec de nombreuses lignes de
barbelés. Finalement ils ont fait exploser le Bangalore
et créé une brèche. Nous avons alors
commencé notre ascension dans la pente très
raide, toujours obscurcie par la fumée. Nous sommes
monté, avec des hésitations naturellement, ne
sachant pas ce qui nous attendait. Cela pouvait être
la mort. Néanmoins on montait, suivant des sentes.
Il y avait des panneaux partout : "Achtung! Minen!" et c'est
possible que cela ait été miné, et alors
on aurait sauté en continuant. Pourtant il fallait
y aller!
Soudain, je n'ai plus vu
un des rangers de mon peloton - il y en avait 2 à ce
moment - il en manquait un, je suis redescendu en bas où
je l'ai retrouvé: "qu'est ce que vous faites là
en bas?" " Bon, on nous a dit qu'il y avait des mines là-haut"
J'ai dit "C'est dur, mais on y remonte" et on a continué.
Et soudain, j'ai vu je ne savais pas quoi exactement. C'était
en fait un Allemand mort, mais je n'avais jamais vu un mort
comme ça avant. Il était allongé dans
son uniforme, la peau cireuse, et j'ai pensé, ça
doit être un mannequin que quelqu'un a installé
là. Si je le touche il va probablement exploser, c'est
probablement un piège. Telles sont les pensées
qui vous viennent quand on voit ça pour la première
fois.
Mais nous avons continué
à monter et avons atteint finalement le sommet de la
colline. Nous avons atteint la route côtière
qui va à Vierville et St-Pierre-du-Mont. Nous sommes
restés là un moment et soudain avons entendu
4 ronflements, 4 roquettes
(Les Nebelwehrfer de Saint-Laurent) -
je n'aime pas trop ces armes spéciales - qui sont passées
au dessus de nous et sont arrivées sur la plage, nous
pouvions voir la plage, et un LCI là, en train de débarquer
ses troupes par ses escaliers latéraux - je ne sais
pas comment cela s'appelle - et soudain tout s'enveloppé
de flammes. J'ai entendu dire qu'un obus avait touché
un soldat chargé d'un lance-flammes, en tous cas tout
a simplement disparu dans les flammes. C'est le genre de choses
qui arrivait. Ils continuaient à bombarder la plage,
et ces roquettes s'abattaient là bas, nous étions
heureux d'être au dessus. Alors on a continué
et traversé la route côtière. J'étais
plutôt à la queue de la compagnie. La compagnie
comprenait 65 hommes, pas une très grosse compagnie,
aussi elle ne s'étalait pas sur une grande distance,
mais ils avançaient à côté d'une
sorte de fossé le long d'une haie. A ce moment le Cdt
du bataillon, le Lt-Colonel Schneider est arrivé, je
l'ai entendu, c'était très intéressant.
Apparemment, nous étions supposé recevoir l'appui
en quelque sorte d'un groupe d'artillerie. Un Lieutenant quelconque
est arrivé pour voir le Colonel et lui rendre compte
qu'ils n'avaient pu mettre à terre qu'un seul canon,
et le Colonel a dit "Bravo, on va pouvoir tirer là
devant" et le Lieutenant a répondu "Désolé,
mon Colonel, mais c'est trop près. Nous ne pouvons
tirer à une aussi courte portée. Nous pouvons
tirer plus loin." Alors ça n'aidait guère.
Il devait y avoir 2 Compagnies
du 2ème Bataillon de Rangers pour appuyer
le 5ème Rangers. 3 compagnies du 2ème
attaquaient la Pointe du Hoc. 1 Compagnie attaquait le point
fortifié de la Pointe de la Percée d'où
l'on tirait beaucoup sur la plage. Et 2 Compagnies devaient
nous accompagner sous les ordres de notre Colonel, et dans
mes souvenirs, quand ils sont venus au rapport, ils n'étaient
que la valeur d'une section pour les 2 Compagnies. Et nous
avons appris qu'un des LCA de la Cie F avait coulé.
Heureusement il s'est avéré que les hommes étaient
passés sur un autre navire et qu'ils étaient
finalement venus à terre. Comme mon copain Harry Vogler,
avec qui je m'était engagé dans les Rangers,
était dans ce groupe, j'ai été heureux
de l'apprendre plus tard.
En tous cas, on était
là. Et ensuite, ils ont demandé des tirs de
mortier, alors on en a installé un et on a tiré
quelques coups, là où une contre-attaque était
supposée, et au moins ça a aidé à
la repousser. Ensuite, ils ont dit qu'il fallait entrer dans
Vierville et prendre le village. Alors on s'est déplacé.
Nous étions à l'Est, comme je m'en souviens,
et nous avons traversé le village en essayant de trouver
des snipers ou d'autres Allemands cachés, en fait on
a finit la journée comme ça. On a terminé
de l'autre côté du village, côté
Ouest, dans une sorte de périmètre, c'était
le soir, on nous a dit de nous enterrer là pour la
nuit, alors j'ai creusé une tranchée allongée
et assez profonde, je m'y suis couché, après
je suppose le jour le plus long!
En tout cas j'ai dormi.
Bien sûr, nous avions des sentinelles. J'ai été
réveillé tôt le matin suivant (7
juin) par le Capitaine
appelant "Baseplate - Plaque de Base!" C'était le surnom
qui m'avait été donné par le 1er
Sergent pour un motif compris par tous ceux qui ont connu
l'Armée. - (dans une section de mortiers, celui qui
transporte la plaque de base doit seulement avoir un dos solide,
il n'a pas besoin de savoir autre chose!) - "Plaque de base,
est-ce qu'il y a de la place pour moi dans ta tranchée?"
"Non, mon Capitaine" j'ai répondu" , "Alors, il vaut
mieux que tu viennes par ici". Je suis sorti du trou, j'ai
pris mes affaires et j'ai sauté jusqu'à lui,
parce qu'on pouvait bien nous tirer à tout instant.
Il m'a dit qu'il fallait revenir et nettoyer Vierville de
nouveau, apparemment des snipers étaient revenus pendant
la nuit. Nous sommes revenus, et il y a eu quelques opérations
instructives. A un certain moment, j'étais accroupi
car j'avais un petit problème avec un sniper. On se
tirait dessus et chacun de nous deux ne savait où était
exactement l'autre. Alors un Américain venant d'arriver
de la plage et de derrière un mur a appelé:
"Sors et viens ici!" "Je ne peux pas bouger, je serais tué"
"Alors, je vais lancer une grenade par dessus le mur" Cela
ne me semblait pas opportun, et heureusement j'ai réussi
à lui faire changer d'idée.
Il faut ajouter que, étant étudiant diplômé
en horticulture, j'avais bien remarqué des fraisiers,
et plus tard dans la journée, je me suis assis pour
en manger! Ce n'était pas exactement ce que j'étais
censé faire, mais il y avait de plus en plus de nouvelles
troupes à terre ce jour-là, et c'était
grandiose de voir les ballons de barrage. Chaque navire avait
un ballon pour empêcher les avions ennemis de descendre
les mitrailler, c'était grandiose, mais on ne pouvait
s'empêcher de penser qu'il y avait tant de monde au
large, tant de navires et si peu de gens à terre. La
nuit précédente, cela avait été
inquiétant de constater tous ceux qui n'étaient
pas là et qui auraient dû. Heureusement, on a
pu tenir, avancer et ainsi de suite.
Je n'ai que des souvenirs
vagues du 6 juin. Ils subsistent, après toutes ces
années, affaiblis. C'était un jour exceptionnel.
Je ne me souviens pas avoir eu réellement peur. On
avait été entraîné pour cela, je
voulais y participer. J'ai failli le manquer pour avoir été
hospitalisé et réaffecté. Après
le Dépôt, je n'étais pas en aussi bonne
forme qu'avant, après tout ces entraînements
rigoureux. Mais c'était une étrange impression
que de vouloir participer au jour J. ce n'était pas
rationnel, mais je ne regrette pas. Peut-être ceux qui
ne s'en sont pas sorti le regrettent, j'en suis sûr.
C'est la vie. Voilà mes souvenirs du 6 juin. Les choses
ont peut-être été plus passionnantes et
plus dures les jours suivants, mais c'est ce qui m'est arrivé
personnellement le 6 juin.
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