0111 Extraits de documents écrits par des témoins oculaires qui ont séjourné à Vierville en 1939-40-41
Lettre de Mme Hausermann, le
1er septembre 1939, âgée de 66 ans, habitante de Vierville,
écrivant à son fils résidant en Amérique
du Sud. Vierville
- Vendredi 1er Sept 1939 (EXTRAITS) … tout le pays est l’arme au poing ; le village se vide des tous les hommes disponibles depuis quelques jours ; il ne restera plus bientôt que les tout jeunes et les vieux. ....1er coup de gong de la mobil. génér. En fait celle-ci existe sans que le mot ait été prononcé. On évacue Paris de tous les petits, nous avons reçu et installé hier dans les petits hôtels que vous savez 50 tout petits entre 2 et 5 ans accompagnés de femmes de service et d’institutrices que des gens de bonne volonté (dont vos 2 beaux-frères) sont allés chercher à la gare de Bayeux. Il y avait là tout un train arrivé avec mille enfants à répartir dans l’arrdt. de Bayeux. Tout s’est passé dans le plus grand ordre, les petits ayant leur nom, leur destination, leur adresse inscrits sur une plaque métallique et attachée au cou. J’avais reçu le matin la visite d’une déléguée de la Croix-Rouge et mes 2 filles s’étaient mises à sa disposition pour l’aider à recevoir, à caser tout ce petit monde. Notre brave Dubois (le maire) avait du reste mis beaucoup d’activité à organiser lits et chambres, et dès hier soir tout ce petit monde dormait paisiblement après avoir été se promener sur le « beau sable » et vu « la grande Seine » ; Ce sont tous des petits du 4ème Arrdt – pas riches ! – A leur âge il sera facile de les consoler de l’absence de leur maman qu’ils ne réclameront plus dans 2 jours. Quelques uns qui paraissaient ravis de se trouver dans les autos de vos beaux-frères prenaient cela pour une partie de plaisir, il y en avait un même qui incitait Jean Cordelle à aller plus vite et à dépasser l’auto précédente. On reconnaît bien là le petit poulbot ! Nous en aurons d’autres, toutes les maisons vides sont réquisitionnées ici, tant pour les enfants que pour les habitants évacués. Strasbourg l’est en partie, et nous avons ici des Messins venus pour leur propre compte, quand il était encore facile de voyager. ...
le gouvernement invite par TSF plusieurs fois par jour à ne pas rester dans la
capitale … notre vie n’est faite que des inquiétudes de tous ; il y a ici plusieurs jeunes mamans que les maris ont dû quitter ; j’en ai vu 2 qui se trouvent sans le sou......Je reste en communication avec le brave Dubois, qui peut me signaler les misères et la charmante Huet (l’institutrice) revenue de ses vacances écourtées pour tenir sa place ici, c’est une brave fille. .....Le fils de Jeanne (Jeanne de Léon, il faisait son service militaire) écrit de Maubeuge qu’ils sont prêts à partir et que cela ne tardera guère. La pauvre maman pleure silencieusement. _____________________________________________________________________ Lettre
de Mme Hausermann, le 24 juin 39 , à son fils résidant en Amérique. Vierville
vendredi 7 septembre 1939 (EXTRAITS) Mes
enfants chéris, je suis prévenue que le
courrier avion est supprimé, il ne reste donc que les bateaux lesquels partiront…
et arriveront on ne sait plus quand. Je suis sans nouvelles de vous, et cela m’est
bien pénible …La mobilisation s’est terminée hier dans le plus grand calme, les hommes sont partis sans une récrimination, les femmes ont retenus leurs larmes.…. Nous travaillons et tricotons à force pour tous les petiots qui sont ici. Samedi vos sœurs ont été aider à installer 80 petiots évacués de Paris. Piprel leur avait préparé chambres et lits, il les nourrit pour une somme qui ne lui permet pas de s’enrichir et déjà ces petits ont meilleure mine, leurs éclats de rire font plaisir à entendre ; ce sont des enfants du 4ème (Bastille) – tous pauvres- , il a fallu en reconduire qq uns à l’hôpital de Bayeux, ......Nous attendons 80 femmes et enfants demain, évacués de Vincennes, Legallois, Pignolet, Merlin ont été réquisitionnés pour eux, le 2ème seul consent à les nourrir, les autres donnent le logement. Les femmes s’arrangeront avec des vivres que fournira le village, en attendant les allocations qui seront distribuées à la fin du mois. .....Mlle Huet s’emploie
le plus intelligemment du monde et avec un dévouement inaltérable à contenter
tout le monde et son père, ce qui est bien difficile. Notre maire
est parti lui aussi…et notre brave Muscadet (le cheval) que Jean-Pierre
a été conduire hier matin à Trévières d’où il a été dirigé immédiatement en troupe
vers Caen . Je le regrette, mais qu’est ce que cela à côté du sacrifice de tant
de mères, de tant de femmes ! ….. …..
Peu ou point de nouvelles du front français et cela « a proposito » les journaux sont censurés impitoyablement, ;
et nous ne sommes vraiment au courant .... de ce que l’on veut bien nous
dire, que par la TSF qui nous donne les
communiqués officilels plusieurs fois par jour….. …..
Toutes les villas sont à peu près occupées, et de ce fait on a réglé sévèrement
(même dans le village) les éclairages du soir. Notre vieille maison est facile
à masquer, dès la nuit c’est le noir le plus complet. Il s’agit de ne pas donner
aucune indication aux Boches, déjà on aperçoit longeant la côte les gros cargos,
et le sémaphore est peuplé de mathurins ; alors que tous les pêcheurs de
Grandcamp ont presque tous repris leurs sacs pour aller s’embarquer sur nos bateaux,
il reste les tout vieux et les trop jeunes
qui ont repris les petites barques pour aller pêcher et aider ainsi aux familles
des fils qui sont partis ; Nous
ne sommes du reste pas rationnés pour un sou, la nourriture ne nous est pas mesurée,
ce qui permet de rassasier nos boys dont l’appétit s’aiguise à l’air du large.
Le beurre a diminué sensiblement, les envois sur Paris étant en partie arrêtés,
en partie seulement car les trains peuvent emmener les civils jusqu’à impossibilité. …J’ai
reçu ce matin une lettre de la légation Tchécoslovaque me demandant si besoin
était, je ne refuserai pas mes conseils et une aide à la femme du secrétaire,
envoyée ici avec une dizaine d’enfants dont les pères se sont engagés pour combattre
le Boche. Bien sûr ! …Mon
jardin est toujours beau, on cueille des poires, j’en enverrai en panier demain
aux petits de la plage…. ....J’ai
écrit à tous nos amis, ... Toutes les lettres arrivent au compte-goutte.... Vierville
mardi 12 septembre 1939 (EXTRAITS)
.......Notre vie s’écoule lentement ! donc durement malgré nos doigts qui
travaillent pour les soldats et les petits. Les petits nous en avons toute une
horde installée chez Piprel, dont les
pères sont aux armées, ils ont déjà changé de mine. Nous avons aussi une petite
colonie d’enfants tchécoslovaques dont les pères se sont engagés, et dont les
mères travaillent à Paris . …..
J’ai été les voir, ils sont sous surveillance de la femme du secrétaire de chancellerie
qui les soigne et les nourrit pour 6F par jour et par tête !!…. Nous
ne manquons de rien ici, le beurre et tous les produits du lait ont même baissé,
comme à chaque automne.
....presque toutes les villas sont occupées par les mères, les femmes, les enfants,
et les gendarmes ont fort à faire le soir pour faire clore les yeux de toutes
ces fenêtres éclairées. Il ne s’agit pas de faire signe
aux Boches. L’autre jour
une forte canonnade au NO nous a fait supposer que celui-ci n’était pas loin.
Et le ciel est parcouru par des escadrilles de gros bombardiers qui
surveillent la mer et protègent le débarquement de nos amis d’outre Manche, dont
les grosses autos sillonnent nos routes
chargée de matériel et sans doute de « jams » » de ????
et de thé. Quel réconfort de sentir ces braves garçons et leur cavalerie de
St-Georges à côté de nous. Lettre
de Mme Hausermann, le 16 septembre 39 , à son fils résidant
en Amérique. Vierville,
samedi 16 septembre 1939 (EXTRAITS) ………
Les hommes sont partis, sont remplacés dans nos fermes par les vieux, les femmes
et les jeunes. Michel est aujourd’hui occupé à engranger chez Dubois, et lundi
les 3 boys restant iront rentrer la récolte chez une petite fermière dont le mari
est au front. ....Pas de
nouvelles du fils de Jeanne, c’est bien long, il a dû partir dès le 1er
jour pour le front. ....Ici
nous récoltons des poires, et j’ai pu en envoyer de bons paniers aux petits réfugiés
et aussi aux petits tchèques ; il en part aussi dans plus d’une maison du
village, et nous tricotons comme des diables, Mme C. est pour cela une précieuse
aide et enrichit nos provisions de lainages pour l’hiver ; il en faudra beaucoup
pour les soldats et les petits ; Il ne s’agit pas de se laisser gagner par
le froid. .....Dubois nous
a été rendu ici, heureusement, il est à la foire et au moulin aidant tout le monde,
réconfortant les apeurés Lettre
de Mme Hausermann, le 20 septembre 39 , à son fils résidant
en Amérique. Vierville,
mardi 20 septembre 1939 (EXTRAITS) .....On
me prévient aimablement de la poste que le courrier avion est rétabli avec vous,
sans en savoir le jour, je vous écrit dès maintenant ; nos lettres sur Paris
et toute la France sont fort retardées, et pour cause : contrôle et un personnel
réduit aux PTT, aux convois, les lettres sont surtout réservées aux soldats, je
risquerait en attendant de manquer peut-être ce bienheureux courrier. ________________________________________________ Vierville,
mardi 26 (?) septembre 1939 (EXTRAITS) …
La rentrée des classes a été reculée jusqu’au 16, heureusement les autos ne sont
pas réquisitionnées et l’essence encore facultative, ....
Il est possible aussi que la vieille maison soit réquisitionnée en partie pour
des réfugiés, on évacue toute l’Alsace sur le Limousin. Je ferai de mon mieux
pour adoucir à ceux qui en auront besoin les tristesses de l’heure. En attendant
nous tricotons avec acharnement, les journaux, la TSF réclament que toutes les
femmes tricotent en pensant à l’hiver qui s’amène et sera dur pour nos soldats.
Et puis nous allons recevoir 100 autres enfants évacués, je ne sais d’où, et qui vont avoir besoin aussi de vêtements chauds… on va les installer
chez Merlin, Pignolet, etc, où ils trouveront
un accueil confortable, déjà les 40 petits que nous avons depuis 1 mois ont changé
de mine. .....Presque toutes les villas de la plage sont occupées par leurs propriétaires...... … nos boys
continuent à aider dans les fermes où les fermières sont restées seules. Ils sont
depuis hier chez la fille de Baurens (?) dont le mari mobilisé exploite
la ferme de Normanville, aidant à rentrer le sarrasin dans les granges. Ils le
font du meilleur cœur, .....Je pense que demain ils iront à l’Ormel où Leterrier
se trouve presque seul pour a faire marcher une ferme de 100 ha. ____________________________________________________________________ …
Les casernes regorgent de soldats réservistes à qui on a permis de venir faire
les récoltes et les vendanges, ils aiment mieux cela que d’être inoccupés dans
les casernes. On a renvoyé aussi des pêcheurs de Grandcamp inscrits maritimes
et partis au 1er jour, mais les bateaux sont au complet, ils sont revenus
pour se mettre à la pêche avec l’ordre bien entendu de se tenir à la disposition
de l’autorité militaire au 1er appel. ....Aucune
restriction jusqu’à présent pour les gens de l’arrière, on dit que la carte d’essence
sera instituée au 1er novembre. ....nous n’avons plus qu’un car aller et retour
sur Bayeux et les trains sont naturellement réservés aux soldats. ….La
nourriture reste facile ici et sans augmentation, mais il faut s’attendre un jour
ou l’autre à revoir les cartes de pain,
de sucre, etc, ....Le temps s’est bien refroidi avec les tempêtes d’équinoxe de NE que nous avons eu toute la semaine ; on fait une flambée dans le petit salon tous les soirs, et j’ai du feu dans ma grande chambre ________________________________________________________ Vierville
samedi 7 octobre 1939 (EXTRAITS) …
ce ne sont pourtant pas les hommes qui manquent, les casernes et les dépôts regorgent
de réservistes, ainsi que l’arrière front, de troupes, à ce point qu’on a pu accorder
des permissions pour les récoltes…..La vie même de notre village s’organise déjà
mieux. …. Les produits agricoles se vendent bien malgré
la mévente sur Paris dont une partie de la population est évacuée. Nous en savons
quelque chose par ici, Grandcamp est bondé de Parisiens du 4ème et
d’habitants de Vincennes, ….
je ne mettrai le reste de la maison qu’en demi veilleuse, car il se pourrait que
d’un jour à l’autre je sois envahie par des réfugiés ou de la troupe.. ..nos amis
les anglais ne sont pas installés loin d’ici et leurs superbes convois continuent
à défiler sur nos routes normandes vers l’Est. Tout cela est rassurant mais serre
le cœur… ___________________________________________________________ Vierville
dimanche 15 octobre 1939 (EXTRAITS) … rien de nouveau ici, l’automne s’avance doucement…. On ramasse les dernières poires. J’ai pu faire des heureux avec tous ces fruits, sans compter tous ceux qui ont régalés vos neveux. ....Il a fallu ajouter une classe, qui se fait à la Mairie, pour les petits des familles réfugiées dans les villas. J’ai vu quelques réfugiés dont l’allocation se fait attendre. Nous n’y pouvons rien. Je ne suppose pas que les caisses de l’Etat regorgent de réserves, et cependant que de dépenses de tous côtés. J’aide tant que je peux, en réservant cependant la plus grande part pour notre petit village. .....J’ai
vu Dubois hier et dois voir Mlle Huet ces jours-ci ; tous remplissent leurs
devoirs de maire et de secrétaire avec une bonne humeur admirable. On n’imagine
pas le flot de paperasses dont ils sont surchargés, et le brave Dubois est toujours
prêt à donner la main au battage des grains, aux labours qui devraient être faits
dans les fermes dont les hommes sont partis. ___________________________________________________ Vierville
samedi 21 octobre 1939 (EXTRAITS) …
Piprel remplit sa tâche admirablement, il manque à ces petits
leurs papas et leurs mamans !… une grosse camionnette a apporté de
Paris, pour eux, des vêtements chauds. J’ai vu les institutrices et aussi not’
maire, le budget de la commune ne permettra pas d’ouvrir la cantine scolaire cet
hiver. Beaucoup de ceux qui en étaient les clients ont des parents qui ne sont
pas partis. On les aidera avec des bons de pains et de viande ; votre argent
servira à cela. J’en garde la disposition ; Les allocations sont versées
avec beaucoup plus de parcimonie qu’en 1914 ; non sans raison, il y a eu
de tels abus ! Les enfants touchent toujours, mais les mères dont beaucoup
sont cultivatrices ne touchent rien. En général les pères de 4, 5 ou 6 enfants
restent à l’arrière. ….Jusqu’ici aucun de nos petits soldats de la contrée n’est signalé blessé ou mort, à part 2 garçons d’Asnières, qui servaient d’agents de liaison sur motocyclette, se sont écrasé contre un arbre. ________________________________________________________ Vierville
samedi 28 octobre 1939 (EXTRAITS) Dimanche
matin 29/10, (le fils de Mr Gambier) il rentrait de garde et avait trouvé
sur la plage le corps d’un noyé. D’où vient-il ce pauvre corps ? Quelque
victime des Boches peut-être, dont on un gros submersible s’est échoué près de Douvres ; une épave où l’on a trouvé 60
cadavres. Que tout cela est triste ! La mer rejette dans sa fureur, car la
tempête continue, des tas d’épaves qui viennent on ne sait d’où. ____________________________________________________________ Vierville
samedi 11 novembre 1939 (EXTRAITS) ______________________________________________________ Vierville
samedi 18 novembre 1939 (EXTRAITS) ......Notre petit village est toujours tranquille, et les travaux se font grâce au dévouement des femmes et des vieux. Leterrier dirige l’Ormel, dont son fils aîné allait en se mariant prendre la direction, il est fiancé, et l’exploitation de son gendre qui est au front. Rude tâche, je l’ai vu l’autre jour bien fatigué. J’ai
bien envie de faire mettre le téléphone, mais je crains bien que la Marine et
nos amis les Anglais empêchent de téléphoner dans la Manche ; le département
appartient à ceux-ci qui s’installent… pour 10 ans. .....Nous sommes tenus ici-même à la prudence et 4 soldats veillent nuit et jour sur la côte, qui ont élu domicile chez Pignolet. Je ne sais pas si je vous ai dit qu’un couple de Boches dont les fenêtres de la villa resplendissaient de lumière chaque soir, à Saint-Laurent, ont été arrêtés et déportés dans un camp de concentration. Il a donc fallu mettre du papier bleu aux lampes difficiles à cacher, j’ai mis des grands rideaux à la cuisine et à la petite salle à manger. Nous avons toute la semaine été abreuvés du glas que notre curé sonne 3 fois par jour et 4 jours pour le moins à chaque décès. Le père Leberruyer est mort,.......; morte aussi la 2ème fille des Saillard, 19 ans ½, d’une fièvre typhoïde, elle était bonne à Bayeux, la mère attend son 12ème dans 2 mois, complètement épuisée, du reste. ________________________________________________ Vierville
19 décembre 1939 mardi (EXTRAITS) .... L’arbre de Noël aura lieu cette année à la mairie .......75 petits qui fréquentent l’école réjouira et réchauffera toute cette jeunesse. _____________________________________________________ Vierville
16 janvier 1940 mardi (EXTRAITS)
.....
les produits agricoles se vendent du reste fort bien, à une vente d‘animaux la
moindre vache valait de 4 à 5000F, un cheval sans qu’il soit un pur-sang 10 à
11000F, une jument boiteuse et âgée de 28 ans a fait 6000F. Vierville
mardi 23 janvier 1940 (EXTRAITS)
… nous sommes à peu près bloqués par la neige depuis que je vous ai écrit la semaine passée. Le courrier arrive quand il peut et part de même, les cars sont arrêtés depuis 2 jours, on dit que la neige a près d’un m. de haut sur la route vers Bayeux, et cela ne m’étonne guère à en juger parce que nous avons par ici. Nous avons été privés d’électricité et presque acculés à la famine si nos réserves personnelles ne nous avaient permis d’alimenter notre table…. Le paysage était sinistre du côté de la mer violemment secouée par un fort vent de NE…. Pas moyen d’arracher une salade ou un poireau, et nos boutures, malgré le feu entretenu nuit et jour, ont bien failli passer un mauvais ¼ d’heure dans la serre dont on ne pouvait plus ouvrir la porte scellée par le gel….nous avons eu –9°. Dans les pièces occupées, nous avons pu maintenir une température suffisante grâce aux tonnes de bois que l’on enfourne et à la salamandre qui mange mon anthracite. J’ai fait poser un poêle à bois dans la chambre de Tatou…… _______________________________________________ Vierville
30 janvier 1940 mardi (EXTRAITS) …
Enfin il y a 2 jours la belle( !) neige (a fui)
qui nous bloquait comme dans un trou….. Je me félicite vraiment d’avoir
une salamandre dans la petite salle à manger, sans elle nous n’étalions pas. Nous
regardons donc tomber la pluie avec satisfaction, vos sœurs malgré leurs 4 poêles
et le fourneau n’arrivaient pas à sentir un peu de tiédeur, …
J’avais envoyé un mot à Mme Godard que je savais toujours dans son ermitage –
que tu sais – au milieu des bois. Elle me répond qu’ils ont dû pendant plusieurs
jours se nourrir de pâtes, de pommes de terre et d’oignons dont elle avait heureusement
quelques réserves Mercredi 31 janvier 1940
Je viens terminer ma lettre de bonne heure. Elle doit emporter mille vœux bien tendres pour mon Titi, qui devra recevoir un livre que j’avais chargé les sœurs de me faire envoyer à Coutances à son intention. Sait-il lire ? et la lecture l’intéresse-t-il ? Cher petit, déjà 6 ans ! il me semble le revoir, âgé de 12 à 14 mois, mauvais comme un singe et sachant se faire comprendre sans pour cela avoir besoin de parler…. Lettre
de Mme Hausermann, le 7 février 40 , à son fils résidant
en Amérique
Vierville
mardi 20 février 1940 (EXTRAITS) .....On
révise les anciennes classes et quelques unes sont rappelées en activité pour
permettre à d’autres de rejoindre leur place en arrière. Nos braves fermières
ont bien besoin de l’aide de leurs maris pour finir les labours et préparer les
récoltes....... Rien de nouveau dans notre petit village, la cantine scolaire
ne sera décidément pas réorganisée, on distribue du pain aux familles nombreuses
et aux vieux mais les 1ères sont très largement aidées maintenant par les allocations
que l’Etat distribue – non sans raison – et au surplus les pères de famille sont
maintenant à leur foyer..... _________________________________________________ Vierville
mardi 5 mars 1940 (EXTRAITS) .....
Les arbres fruitiers sont presque fleuris et présagent une belle récolte. Il le
faut, comme il faut ne pas perdre un coin de terrain du potager, nous serons sans
doute bien content d’y puiser. Vous avez dû voir que notre gouvernement organise
la carte de rationnement, qui sera de viande, de pain et de sucre ;
déjà les boucheries sont fermées pendant 3 jours de suite, les charcuteries 2
jours, les pâtisseries 3 jours et la vente de l’alcool idem (voilà une
bonne mesure pour le Calvados !) . Pour nos appétits réduits, pour Marthe
et moi, je ne suis pas inquiète, mais je me demande comment vont faire...... devant
les appétits des jeunes qui ne rassasient pas ! Il va falloir doubler les
plats de nouilles, de riz et de pommes de terre… Tant pis si c’est pour la France
et pour la victoire. Vierville, mardi 2 avril 1940 (EXTRAITS) …
On renvoie pour 15 jours, 1 mois, des cultivateurs, car nos femmes ne peuvent
pas tenir le coup avec des gamins de 14 à 18 ans comme aides, et le travail de
la terre se fait comme il se doit. …..Entre
des journées de beau temps nous avons eu un véritable raz de marée arrivé subitement
et reparti de même le jour de l’équinoxe. Le boulevard de la mer était innabordable,
tous les jardins inondés, celui des Guignard entre autres où il y a encore 60cm
d’eau dans le bas. Tout est à refaire dans ce cas là dans un jardin. La terre
elle-même est inutilisable. Il paraît que le spectacle vu de la falaise était
splendide, mais quand la mer s’est assagie, on a trouvé la route envahie de galets
et de grosses excavations aux protections qui suivent jusqu’à St-Laurent. La digue n’a guère souffert. Gros travail à
refaire. Je regrette de moins en moins d’avoir la vieille maison où elle est,
il a fallu cependant fermer les persiennes du côté de la mer pour nous abriter du vent qui s’infiltrait
partout..... nous aurons cette année une belle récolte de pommes de terre et légumes.
Il le faut, nous ne voyons pas ce que nous réservent les mois qui vont suivre,
on établit demain la carte de ravitaillement pour toute la France . Cela n’a
guère d’importance pour les vieux et les petits qui en auront toujours assez,
mais je me demande comment on étalera devant des appétits comme ceux de nos boys. .....hôtels.
Du reste ceux-ci sont toujours réquisitionnés, souvent habités par des réfugiés
et n’ouvriront pas pour la saison d’été. Piprel sert d’asile a encore une quarantaine
de petits gosses parisiens accompagnés de femmes et d’institutrices à qui le grand
air a fait le plus grand bien. Vierville,
mardi 23 avril 1940 (EXTRAITS) …..J’ai aussi reçu la visite des institutrices qui vous envoient leurs respectueux souvenirs. On prépare activement à la mairie les cartes de rationnement dont nous serons gratifiés en juin. Lettre
de Mme Hausermann, Vierville,
mercredi 30 avril 1940 (EXTRAITS)
Rien de nouveau dans notre village où les travaux des champs sont courageusement faits par des femmes et des tout jeunes gens. Nos boys auront de quoi s’occuper pendant les vacances. Mon foin paraît superbe, même dans le champ de « Pompon » qui n’est plus piétiné par le cheval. Lettre
de Mme Hausermann, le 8 mai 40, à
son fils résidant en Amérique Vierville - mardi 8 mai 1940 – ...... Le Casino est encore mobilisé et donne asile à une trentaine de petits parisiens et à leurs institutrices. Vierville - mardi - 14 mai 1940 -
Mes enfants chéris Avant de commencer à vous écrire j’ai tourné le bouton de ma TSF qui depuis quelques jours nous donne le bulletin des opérations, toutes les heures. C’est vous dire si nous sommes angoissés des nouvelles de l’Est et du Nord et combien nous pensons à ceux qui s’y battent. ......tous nos permissionnaires
sont repartis laissant des femmes courageuses mais en larmes et depuis hier soir
nous voyons arriver des petits réfugiés du Nord et même de Paris qu’on installe
dans les maisons déjà réquisitionnées. Le Sous-Préfet a prévenu Dubois qu’on nous
enverra sans doute une centaine d’autres réfugiés (familles) et s’informant où
les mettre, ai-je besoin de vous dire que j’ai offert tout ce que j’ai de disponible
dans la vieille maison. .....Hier
en voulant téléphoner avec Trévières j’ai été interrompue par le bureau « téléphone
interrompu, alerte » , sur Cherbourg probablement. Notre grand port doit
être surveillé par ces … cochons-là. La TSF ce matin nous apprend que la Hollande a lâché…. Il ne fallait pas s’attendre à une défense héroïque de la part d’un pays mal armé et à moitié boche, mais c’est tout de même regrettable pour nous, le peu de résistance qu’ils apportaient soutenait les héroïques soldats belges et les nôtres qui combattent paraît-il comme des lions. J’ai encore vu hier soir le brave Maillet et Laronche qui repartaient … gais ! les bons enfants, le 1er marié et père de famille, est dans un régiment d’artillerie qui dépend du 43ème. J’ai appris hier avec surprise que la reine-mère de Belgique est réfugiée non loin d’ici avec ses 3 petits enfants dans un petit château que tu connais bien entre Mosles et Bayeux ; les villas de St-Laurent se louent à des personnes de la Cour arrivant avec quelques malles. Les autos recommencent à passer chargées de valises, on voit même des cars entiers venant de Paris ou de plus loin, et la guerre se poursuit hélas ! avec la même acuité. Lettre
de Mme Hausermann, le 21 mai 4 , à
son fils résidant en Amérique Vierville 21 mai 1940 - mardi ...... Depuis 2 jours
surtout un défilé d’autos se poursuit sur nos routes, transportant des gens qui
fuient. Hier soir j’ai donné asile à l’une d’elle dont le propriétaire était en
panne sur la route de Grandcamp avec 2 autres voitures. Ils arrivaient du Nord,
d’Avesnes, les pauvres gens et le récit succinct de ce Mr. donnait une idée bien
affreuse de ce qui s’y passe. Naturellement tout le village est plein partout, et j’ai mis la vieille maison à la disposition de ceux qui en auront besoin. Dubois (maire) met beaucoup de discrétion à en user. La poste marche très mal,
et les lettres du front n’arrivent pas. De tous côtés j’entends les plaintes des
parents anxieux. La pauvre Jeanne et Léon sont sans nouvelles de Georges depuis
bientôt 15 jours il en est de même pour tous, et c’est ce qui laisse un
espoir aux malheureux parents inquiets. Mercredi matin
Notre
village est rempli de réfugiés, de gens du Nord surtout qui presque tous ont pu
louer maisonnettes, villas vides ou meublées. Il est bien évident que ceux qui
sont arrivés de cette manière avaient encore quelques moyens dans leurs poches,
les plus à plaindre sont les ouvriers, les paysans évacués par trains qu’il a
fallu souvent aller chercher très loin, le défilé de ces malheureux répétait ce
que l’on voyait en 1914. J’ai revu notre maire qui passe son temps à courir, il a acheté (d’ordre de la préfecture) de la literie, des ustensiles de ménage, vaisselle, tables et chaises qui sont distribuées. Je regrette bien que ma santé ne me permette pas d’être plus active et d’aller aider à l’installation de toutes ces familles. Il y a beaucoup d’enfants que nos braves institutrices ont accueillis et qu’elles mettent je ne sais où ! Le soir à 4h1/2 tout ce petit monde se rend à l’église accompagnés de la bonne mère Campserveux qui leur aide à dire un chapelet pour la France.
Quand je pense que je ne peux même plus aller jusque là. Je vais mieux, mais la
marche m’est très fatigante et la Doctoresse m’a naturellement conseillée de m’abstenir
d’en faire trop. ! Depuis hier des avions nombreux sillonnent la mer, pourquoi ? Vierville 4 juin 1940
- mardi
.......Le premier convoi Français est arrivé dimanche soir par Cherbourg, rapatriant
nos soldats exténués. D’un train traversant Bayeux, un de ceux-ci a pu faire prévenir
sa femme qui habite St-Laurent qu’il était sauf. (toute l’armée est dirigée sur
Le Mans) c’est le 1er de notre petit coin, espérons qu’il y en aura
d’autres. Les régiments du Nord étaient composés de beaucoup de bretons et de
normands. Les pauvres Leterrier sont sans nouvelles de leur fils depuis 24 jours,
idem les Saillard pour leur aîné, un brave et fort gars, fiancé ! Ici
on prend des précautions pour une avance boche. Je dois loger 3 officiers supérieurs
et 40 soldats. Les
restrictions vont bon train : 750g de sucre par mois ; de la viande
4j sur 7, 30 l d’essence par auto et par mois ; l’huile de plus en plus rare,
50kg de charbon par mois et par 3 personnes….
Je ne sais vraiment pas comment nous allons pouvoir nous en tirer cet été
quand nous serons 12 personnes à faire manger et l’hiver me fait peur. Heureusement
que le bois ne manque pas dans le bûcher ; on rétrécit encore son espace
vital. Le
1er tiers de la classe 40 est appelé, On
voit passer par la grande route des chariots remplis de meubles, de femmes, d’enf.,
de vieillards, qui sont refoulés par ici. Mais ce sont des gens du Nord. Tous
les Belges ont été refoulés vers le Centre. Nous
possédons en effet une garde civique composée de tous les hommes valides (Léon
en est !) qui monte chaque nuit la garde dans nos petits chemins, on craint
ce qui s’est passé en Belgique, une invasion silencieuse de cette fameuse 5ème
armée toute prête à aider les Boches lorsqu’il le faudrait. Ce n’est plus une
guerre, c’est un (????) de bandits. Nos hommes ont l’ordre de tirer
le cas échéant, ils ont tous un fusil et 5 cartouches. Nos deux boys se sont fait
inscrire pour prendre la garde aussitôt qu’ils seront ici, ils aideront aussi
dans les fermes. C’était
dimanche la communion ici, triste communion dont la plupart des papas, des gds
frères étaient absents. Il y avait des larmes dans bien des yeux. Un jeune abbé
échappé du Nord habite maintenant le presbytère et aide le curé de St-L. (St-Laurent)
qui avait bien du mal à tenir ses 5 paroisses. Nous
entendions très bien la canonnade par vent de N.E. toute la journée de samedi
(le 1er juin, des bombardements sur Le Havre ou Rouen ??)
et nous avons été réveillés cette nuit par 3 fortes détonations qui ont fait trembler
nos vitres, sans doute quelque avion boche laissant tomber ses bombes sur un de
nos bateaux. Toutes les chaloupes de Grandcamp et de Port sont parties clandestinement
une nuit pour Cherbourg où elles ont formé un convoi imposant qui est parti pour
Dunkerque et Calais et ont participé au sauvetage de notre armée. MERCREDI
– (5 juin) (PS) Nos cloches ne sonnent plus qu’en cas d’alerte ".......Depuis, notre beau et cher pays est envahi par des troupes en vert de gris toutes motorisées, nous les avons vu apparaître ici dès mercredi (le 19 juin) . Je ne vous conterai pas tout ce qu’il advint, sachez que nous sommes en paix pour l’instant ici, mais l’horrible capitulation qui nous a remplis de stupeur et de chagrin a eu lieu ; signée par une de nos plus grandes et pures gloires militaires ! Est-ce possible ! Nous n’y pouvons pas croire ! La France abattue en q.q. jours, un armistice signé à Compiègne et notre manque à la parole donnée à nos alliés ! .. Ceci est une chose dont tous les cœurs français ne se consolent pas.. Nous sommes sans nouvelles, la poste ne fonctionne plus, les trains non plus, la TSF même, à part les Anglais, ne nous renseigne plus depuis que les Verts de Gris ont pris Rennes où se trouvait le principal poste général français..... Nous attendons encore les conditions qui seront sans aucun doute draconiennes pour signer la paix. ....Ma place était ici, grâce à cela et jusqu’à présent les vertsdegris qui occupent tous nos villas n’ont rien tenté, les de M., les de Brunville sont ici, et aussi les de Bughas, les Leterrier, Guillemette meurt de peur dans sa grande maison qu’elle habite avec une seule vieille bonne, je lui ai proposé de venir chez moi, mais elle préfère que la maison ne reste pas inoccupée ; du reste jusqu’à présent tout se passe correctement ; j’ai bien dû fournir des p. de terre au petit détachement qui occupe le Casino ; et j’ai fermé les grilles à clefs pour éviter qu’on entre chez moi comme dans un moulin. J’ai bien des choses à vous raconter mes enfants chéris, ce sera pour un peu plus tard..... On dit que du côté de Colombières il y a eu de la casse ; j’ai vu passer des ambulances filant vers Gr. Lettre de Mme Hausermann, le 6 juillet 40 , à son fils résidant en Amérique ....Nous
sommes sans aucune relation avec l’extérieur. Notre petite commune est largement
occupée par un état-major nombreux, mais il y règne le plus grand ordre. Toutes
les villas sont habitées, elles étaient toutes vides de leurs propriétaires ;
on a forcé, sans plus, les portes de celles qui étaient sans gardiens, je n’ai
pas entendu dire qu’on avait pillé les armoires, le moindre vol est puni de mort,
dit-on. Je suis donc toujours en faction à la porte de notre vieille maison qui
aurait subi le sort de celles qui sont vides, elles ont été remplies de soldats
tout de suite, et il faut dire que c’est vite abîmé par toute cette soldatesque.
G. de P. (Mlle de Pierres, à Gruchy) en a 45 chez elle, et
son avenue bordée de gros camions qu’on veut sans doute dissimuler aux avions
anglais. On n’en voit guère de ceux-ci, mais notre ciel est sillonné d’autres,
qu’on peut sans peine évaluer à plus d’une centaine. (PS) L’essence a complètement disparu, on revient aux carrioles, mais les chevaux sont rares et pour cause ! Le ravitaillement se fait assez bien et les marchés ont été par ordre rétablis. Les transports se font en voitures à chevaux… pour nous, car j’en vois d’autres qui sillonnent nos routes en superbes autos. .... Toutes les caisses publiques sont vides, et les fonctionnaires ne sont pas payés. Où va-t-on ? Quelle misère il va y avoir. Lettre de Mme Hausermann, le 15 juillet 40 , à son fils résidant en Amérique … Vous dire ce qu’a été pour moi, pour tous, cette horrible débâcle, notre France envahie aux ¾ et les vert-de-gris installés en maître ici, …comme partout ! et il y en a ! et ils sortent comme des sauterelles. Nous n’avons pas à nous plaindre ici de leur présence, un EM (Etat-Major) est dans les villas, et j’ai pu jusqu’à présent garder la vieille maison vide. Je ne sais si je pourrai l’obtenir jusqu’au bout, je vous répète ce que je vous ai déjà écrit plusieurs fois : j’ai eu des relations courtoises avec mes voisins, mais ce n’est pas sans un énorme crève-cœur que nous nous plions à leurs lois. .... Nous ne savons rien ou presque, la TSF est allemande et l’on nous défend de prendre l’angl. qui du reste ne nous épargne pas non plus. Je suis comme vous, j’ai le cœur déchiré et je me sens bien seule dans cette grande maison qui, sans ma présence, serait depuis longtemps occupée de la cave au grenier, et sans aucun doute plus ou moins pillée. Toutes les maisons vides ont été ouvertes de force et habitées, mais je me dois de dire que beaucoup n’ont pas souffert énormément de cette intrusion. Les officiers y tiennent la main, heureusement, j’ai eu quelquefois à résister à certaines demandes et les grilles sont maintenant fermées à clé du matin au soir.
Lettre de Mme Hausermann, le 19 août 40 , à son fils résidant en Amérique .......cela a été alors l’invasion et à quelle allure ! de toutes les troupes vertdegrisées, bien armées, et toutes motorisées. Même notre petit village est envahi ; et bien m’en a pris de ne pas quitter la vieille maison que j’ai jusqu’à présent préservée d’hôtes indésirables. Toutes les villas de la plage sont habitées par un E.M. officiers et hommes. Jusqu’ici c’est courtois. Dubois (le maire) qui cause un peu allemand est à la hauteur de sa tâche et défend âprement ses concitoyens. ... Lettre de Mme Hausermann, le 22 septembre 40 , à son fils résidant en Amérique ......Nous sommes
toujours coupés du reste du monde de par la volonté de nos vainqueurs qui ont
la poigne rude. Ici le village est occupé, il y a des verderets dans toutes les maisons ; mais sans grand pillage, nous commençons à sentir les restrictions, car nous avons à nourrir en France plusieurs millions de vainqueurs et beaucoup de provisions passent en Allemagne. Triste sort que le nôtre ; nous ne sommes pas encore revenus de cette humiliation ! Lettre de
Jean Cordelle à son beau-frère en Amérique du Sud,
24 sept 40 (il s'agit du brouillon, la lettre ne semble pas être
arrivée). ........L’obligation des loger des allemands a été pour elle une grande cause de soucis, d’énervements comme tu peux le supposer, bien que tout se soit passé dans les moins mauvaises conditions possibles. Comme
elle était restée au moment de l’occupation, la Kommandatur de Vierville (capitaine
de ??? très correct) n’a mis personne au château ; mais au milieu
d’août, il y a eu tellement de troupes à loger qu’elles se sont logées sans passer
par la Kommandatur, et c’est ainsi qu’une première série qui a duré 5 jours
s’est installée à la maison :
3 officiers, 1 ordonnance, 100 h dans le bois, avec une vingtaine de camions,
voitures, motos, etc… Cela a été la période la plus désagréable, cela faisait
beaucoup de mouvement, de bruit, avec quelques dégâts (minimes d’ailleurs) dans
le bois et le potager. Une 2ème série comprenait un capitaine très aimable par lequel nous avons obtenu qu’il n’y ait plus de soldats, mais seulement 2 ou 3 officiers. Actuellement il n’y a plus qu’un colonel qui paraît bien et qui loge dans la chambre de F.. C’est la meilleure solution, car cela fait fuir les soldats et autres officiers, et il est à souhaiter qu’il reste longtemps. L’attitude des occupants est en général correcte, cherchant même à se concilier la population, mais dès qu’ils se croient dans l’obligation de …….. ???…….. avec brutalité. De plus ils ont la main et le contrôle sur tout en zone occupée, et la France est vidée peu à peu de sa substance par les réquisitions de produits alimentaires, matières premières et matériel, destinés à l’entretien des troupes d’occupation et aux nécessités de la guerre avec l’Angleterre qui naturellement passe pour les Allemands avant toute autre préoccupation. Lettre de Jean Cordelle à son beau-frère en Amérique, 18 décembre 40 (il s'agit du brouillon, la lettre, partie de Paris ou de la zone non occupée, ne semble pas être arrivée). ......Au point de vue occupation, on loge toujours un Colonel et tout se passe bien jusqu’ici..... Lettre de Jean Cordelle à son beau-frère en Amérique, 13 octobre 1941 (il s'agit du brouillon, la lettre ne semble pas être arrivée). .........Nous avons passé les uns et les autres ces 3 derniers mois à Vierville sans difficultés , mais il n’en sera peut-être plus de même à l’avenir, les Allemands venant de créer une zone côtière dans laquelle ne pourront habiter et circuler que les personnes y ayant leur domicile principal ; c’est tout nouveau et nous ne savons pas encore si nous pourrons être rangés dans cette catégorie (ce sera possible car le nouveau maire Mr. Leterrier nous a fourni des cartes d’identités locales). A part cela, tout va bien jusqu’ici à Vierville ; nous logeons une dizaine de chevaux dans les écuries. (il ne dit pas tout, par prudence probablement : les chevaux à loger sont bien sûr allemands, pas un mot des officiers allemands logés à cette époque, 1 ou 2, capitaine ou lieutenant, avec les ordonnances dans le communs avec quelques soldats pour les chevaux). Du potager nous avons fait le plus possible de légumes, mais les pommes de terre ont souffert d’un mois d’août humide ; heureusement il n’en est pas de même partout en France et la récolte est assez belle.
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